Les clarinettes à doigté de saxophone ont été prévues, comme leur nom l’indique… pour les saxophonistes. Elles leur permettent ainsi de jouer de la clarinette sans (trop) changer leurs doigtés de base.
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Lorsque le client m’a proposé de remettre en état cette clarinette, je me suis interrogé si celle-ci valait la peine d’être faite. Après quelques recherches sur la toile, par intérêt technique et organologique et après expertise de l’instrument, j’ai accepté la proposition.
En effet, le clétage particulier de cette clarinette a stimulé ma curiosité. Hormis entre la clé de Sol# et celle de La, aucune autre correspondance n’existe. Sur tout le clétage, il n’existe qu’un seul ressort aiguille, tous les autres sont plats et fixés sur les clés par vissage (à l'origine ils sont certis dans les spatules). De plus, le fait de la rendre de nouveau fonctionnelle et de l’entendre jouer m’a motivé.
Celle-ci semblait réalisable car l’ensemble des axes est démontable. Cependant, un travail important sur la reprise du bois et notamment de certaines cheminées doit être fait.
Le pavillon était bloqué avec le corps du bas, le barillet lui avec le corps du haut. Il a fallu user d’un choc thermique pour les débloquer. L’ensemble des viroles ne tenait plus et les tenons avaient des accrocs. Les corps, eux, n’avait pas de fente heureusement.
Suite au déblocage des parties de l’instrument, j’ai préparé l’ensemble des éléments à la remise en état. Les lièges tenon sont retirés. Je démonte l’ensemble du clétage sauf une clé reste récalcitrante. L’axe ne tourne pas et je ne souhaite pas abimer la tête de celui-ci. Malgré l’utilisation de dégrippant, je dois utilisé un choc thermique léger pour y parvenir. Les boules sont aussi retirées sur un fil pour ne pas permuter leur emplacement. J’utilise en plus un croquis pour leur placement.
Ensuite, je dégarnis l’ensemble du clétage pour préparer le polissage des clés. Les dimensions des tampons, des lièges de butée et des ressorts sont notées pour préparer leur changement. Les clés étant hémisphériques, la sélection des nouveaux tampons n’est pas évidente. Tout d’abord, la double baudruche est changée pour du cuir. Le questionnement résidait dans la forme : plat ou conique ? La crainte que les diamètres plus petits ne puissent pas entrer suf�samment dans la calotte, j’ai opté pour du tampon plat.
Lors du dégarnissage, je rencontre un problème de taille avec les ressorts plats. La plupart des vis,recouverte par les lièges de butées, avait la tête limée pour ne pas donner trop d’épaisseur aux butées. Pas de possibilité de démontage. Ne voulant pas utiliser de solution trop risquée, je me suis adressé à un autre atelier : L’atelier – Maxime Chagot. Après avoir échangé avec Maxime, j’apprends que les ressorts sont à l’origine sertis et non vissés ce qui signifie que l’instrument a déjà été modifié auparavant et que dans le cas où les ressorts sont sertis, il n’y a pas d’autre solution que de percer les rivets.
Pour la situation rencontrée : perçage des vis en veillant à ne pas toucher le clétage. Prudence de mise, armé de ma perceuse type dremel et d’une mèche d’un diamètre inférieur à la vis (1,4 mm), je me risque au perçage d’une première clé. Veiller à percer au centre de la vis en gardant un axe droit n’est pas chose aisée. Succès ! Plus qu’à enchaîner les autres clés.
Finalement sur le nombre de clés à percer seulement deux seront rebouchées avec du laiton par brasure à l’argent pour être percées puis taraudées pour accueillir les vis.
Après mettre attelé au problème des ressorts, je m’oriente sur les défauts repérés dans le bois au niveau des corps. Je note, en plus des traditionnels tenons abimés et rayures diverses, des cheminées dont la surface est cassée. plutôt que de faire un rattrapage directement de celles-ci risquant de trop diminuer leur volume et donc d’altérer la justesse de l’instrument, je décide de combler les manques avec de la poudre d’ébène et de la cyanolite. J’utilise alors un morceau de papier huilé pour obturer la cheminée et permettre le dépôt de poudre et de colle sans que celui-ci n’adhère à l’intérieur de la cheminée. Lors de ces actions, la reprise des croutes de poudres d’ébène avec un outil spécialisé est nécessaire.
Après avoir nettoyé les clés, fait le retamponnage et le bouchage, la pose des ressorts et des lièges et vérifié les jeux mécaniques, la clarinette est finalement remise en état.
Quelle bonheur d’être celui qui émet les premiers sons d’un instrument longtemps resté au placard et qui remonte à une facture d’un autre temps !